lundi 31 mars 2025

Porto Corse – Scandola, entre mer et feu, l’odyssée en bateau semi rigide

Les magnifiques promenades en mer de Porto Corse à Scandola

Depuis la petite marine de Porto Corse, point d’ancrage discret de la façade occidentale de l’île, le regard s’élance vers le large. Une lumière dorée glisse sur les flots matinaux, les montagnes dessinent leur silhouette austère, et déjà le voyage promet l’évasion. Ici commence une des plus belles navigations de Méditerranée, la route maritime vers la réserve naturelle de Scandola, sanctuaire minéral où la mer épouse le volcan en silence.

Porto, village rattaché à la commune d’Ota, s’épanouit au creux du golfe dont il porte le nom. Une tour génoise en surplomb, quelques barques accrochées au quai, une odeur de pin et de sel, tout semble ici attendre le départ. Le bateau semi-rigide s’élance, nerveux et agile, glissant sur une mer encore calme. La côte, sauvage, s’égrène en caps et en criques, dérobe ses secrets aux promeneurs terrestres. Les falaises de porphyre rouge s’élèvent avec majesté, sculptées par le temps et les vents.

En progressant vers le nord, on pénètre dans la réserve de Scandola. Classée au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1983, elle est l’un des trésors les plus inaccessibles de Corse, strictement protégée, à la fois terrestre et marine. Les roches volcaniques, issues d’éruptions sous-marines, ont été façonnées par l’érosion en une succession d’arcs, de pics et de cheminées minérales. Le rouge du porphyre, le noir du basalte, les reflets verts du maquis dessinent un paysage d’une beauté tellurique, presque surnaturelle.

Dans les criques abritées, l’eau devient transparente. Des poissons aux reflets métalliques frôlent les embarcations. Parfois, un dauphin perce la surface, curieux et libre. Au sommet des falaises, les nids du balbuzard pêcheur marquent la persistance d’une faune fragile. Les cormorans huppés glissent entre ciel et mer. Sous l’eau, les fonds marins offrent un monde silencieux, refuge des coraux et des herbiers, royaume discret des murènes, des mérous, des oursins.

En silence, le bateau s’approche du cœur de la réserve. Aucun bruit, sinon celui du moteur que l’on coupe par respect. On flotte. Le vent s’infiltre entre les rochers, l’eau clapote doucement contre la coque. Le temps semble suspendu. Ici, tout est mesure, équilibre, harmonie brute. Scandola ne se visite pas, elle se contemple. Elle impose une humilité, une lenteur, une attention aux choses simples et essentielles.

À une encablure de là, blotti dans une baie inaccessible par la route, le village de Girolata s’offre comme une escale improbable. Seule une poignée de maisons de pierre, une petite plage, un fortin en surplomb. On y accoste, on se glisse dans l’eau tiède, on savoure un repas de pêche locale sur une terrasse ombragée. Ce lieu hors du temps, entre mer et montagne, est une halte précieuse, une respiration.

Le retour vers Porto Corse suit un itinéraire tout aussi spectaculaire. L’après-midi, les calanques de Piana, joyau géologique classé lui aussi par l’UNESCO, offrent un final de toute beauté. Le granit rose y prend des teintes chaudes, presque incendiaires. Les formes se multiplient, aiguilles, arches, tunnels. Le bateau semi-rigide, grâce à sa maniabilité, s’aventure dans les moindres recoins. La lumière rasante du soir transforme la roche en métal incandescent. La mer devient miroir.

L’expérience maritime entre Porto Corse et Scandola prend tout son sens à bord d’un semi-rigide. Rapide, précis, discret, il permet d’approcher sans troubler, de ressentir sans envahir. Il épouse les contours de la côte, effleure les criques, s’arrête là où les grands bateaux n’oseraient jamais se glisser. Cette proximité avec l’élément marin crée un lien intime avec le paysage, une forme de complicité avec la Corse sauvage et indomptée.

Préparer cette excursion demande un peu d’anticipation. Les départs se font généralement tôt le matin pour profiter des meilleures conditions de mer. Il est conseillé d’emmener chapeau, lunettes, crème solaire, et, surtout, un masque de plongée pour explorer les fonds. Il faut aussi se souvenir que Scandola est une réserve. On ne prélève rien, on ne jette rien. On regarde, on écoute, on apprend.

Et puis, il y a cette sensation rare, en fin de journée, lorsque l’on revient vers Porto. La peau chauffée par le sel, les yeux pleins de formes et de couleurs, le silence dans le cœur. On a vu l’invisible. On a frôlé un monde intact. On s’est approché de cette Corse de pierre, de feu et d’eau que l’on croyait rêvée. Et elle était bien là.

L’écosystème marin de Scandola, un sanctuaire sous la surface

Sous les flots bleus qui bordent la réserve de Scandola, un monde discret mais fascinant s’épanouit dans le silence. Ce n’est pas seulement un décor de carte postale que la mer propose ici, mais un écosystème complexe, fragile, patiemment tissé au fil des millénaires. Dans ces eaux protégées de l’ouest corse, la vie marine trouve un refuge rare en Méditerranée.

Les rochers basaltiques, tombant parfois à pic dans l’eau, forment autant de caches naturelles pour la faune. Entre les anfractuosités, les mérous brunissent lentement dans leur tanière. Les langoustes, toujours plus discrètes, explorent les interstices à la tombée du jour. Au milieu des herbiers de posidonies, véritables poumons marins, se croisent les girelles, les saupes et les sars, composant une chorégraphie permanente et silencieuse.

Ici, la clarté de l’eau permet une observation unique. Le masque sur les yeux, le corps flottant dans la tiédeur marine, on plonge littéralement dans un tableau vivant. Chaque rocher est une scène, chaque faille un monde. Les oursins tapissent les creux, les étoiles de mer épousent la pierre, tandis qu’un banc de poissons argentés file d’un éclair.

Mais cette richesse n’est pas due au hasard. Elle est le fruit d’un choix clair, celui de protéger. Depuis sa création en 1975, la réserve de Scandola interdit pêche, mouillage anarchique, prélèvement ou pollution. Grâce à cette rigueur, les espèces se reproduisent, les chaînes trophiques s’équilibrent, et les générations se succèdent dans une continuité que peu de zones marines peuvent revendiquer.

Approcher la biodiversité de Scandola en bateau semi-rigide, c’est la côtoyer sans la perturber. Glisser au-dessus d’un monde vivant, le deviner, le respecter. Et se souvenir qu’il ne s’agit pas d’un décor, mais d’un univers fragile, dont notre regard émerveillé est à la fois le témoin et la promesse de sauvegarde.

 

Le balbuzard pêcheur, sentinelle ailée des falaises corses

Il plane, solitaire, les ailes larges et tendues, le regard rivé vers la mer. Sa silhouette puissante se découpe sur le bleu du ciel, avant de piquer soudain, ailes repliées, vers un point précis. Le plongeon est net, le ressac éclabousse, et le balbuzard pêcheur remonte, entre ses serres un poisson encore frémissant. Dans les hauteurs de Scandola, ce rapace rare a trouvé l’un de ses derniers bastions méditerranéens.

Disparu de la Corse continentale au siècle dernier, victime des tirs, des dérangements et de la raréfaction de ses proies, le balbuzard pêcheur n’a survécu que dans les coins les plus inaccessibles de l’île. Les falaises de la réserve lui ont offert un refuge, hautes, isolées, silencieuses. Ses nids, construits à flanc de roche ou sur des plateformes artificielles discrètement installées, dominent la mer comme des tours naturelles.

Observer ce seigneur ailé depuis un bateau semi-rigide, c’est vivre un moment d’exception. Il n’est pas rare qu’il décrive des cercles au-dessus des eaux, scrutant la surface, choisissant sa cible. Sa présence est un indicateur puissant, là où il vit, l’écosystème est sain. Son régime strictement piscivore, son besoin d’espace, son intolérance aux perturbations font de lui un symbole vivant d’un équilibre préservé.

Les naturalistes corses, depuis les années 1980, œuvrent à sa réintroduction et à sa tranquillité. Le respect des zones de nidification est strict, les études régulières, et les bateaux de tourisme, bien informés, gardent leurs distances. Cette alliance discrète entre l’homme et l’oiseau a permis la renaissance d’une espèce autrefois menacée.

Dans le ciel de Scandola, quand le balbuzard trace ses cercles au-dessus du silence marin, c’est la Corse elle-même qui respire plus librement.

 

Les tours génoises, mémoire de pierre et vigies de la mer

Tout au long de la côte entre Porto Corse et Scandola, elles apparaissent soudain, massives, silencieuses, figées dans le temps. Les tours génoises, sentinelles de pierre érigées entre le XVIe et le XVIIIe siècle, racontent l’histoire d’une Corse autrefois vulnérable, exposée aux attaques barbaresques, au commerce, aux tempêtes. Elles sont les témoins muets d’un passé où la mer n’était pas encore un lieu de loisir, mais une frontière mouvante, parfois hostile.

Bâties en surplomb des caps, toujours à portée de vue l’une de l’autre, ces tours permettaient de transmettre des signaux par feu ou par fumée. Elles formaient un réseau de surveillance couvrant l’ensemble du littoral corse. Certaines sont aujourd’hui en ruine, d’autres admirablement restaurées. Toutes se fondent dans le paysage, comme si la roche elle-même les avait enfantées.

La tour de Porto, carrée et imposante, domine la marine du même nom. À Girolata, une autre, plus modeste, surplombe la baie. En mer, leur présence rassure, fascine. On les photographie, on les devine, parfois à peine visibles entre les bruyères. Elles offrent aux navigateurs d’aujourd’hui une ancre symbolique, un lien entre le présent et un passé insulaire fait de vigilance et d’adaptation.

Depuis un bateau semi-rigide, on les découvre sous un autre angle. On comprend mieux leur implantation stratégique, leur dialogue visuel. Elles deviennent plus qu’un décor, une voix de l’histoire. Leurs murs épais, leurs meurtrières, leurs escaliers en colimaçon évoquent la rudesse de l’époque, la ténacité des insulaires, leur génie d’adaptation.

En les regardant depuis la mer, ces tours parlent encore. Non pour alerter d’un danger, mais pour rappeler que toute côte, aussi belle soit-elle, est aussi le théâtre d’histoires anciennes, que la pierre garde en mémoire.

De Porto Corse à Scandola, la mer comme trait d’union sauvage

Il est des lieux que l’on traverse sans jamais vraiment les quitter. Entre Porto Corse et Scandola, la mer devient plus qu’un chemin, elle est une mémoire, un souffle, un miroir de lumière et de silence. Naviguer ici en bateau semi-rigide, c’est s’offrir le privilège rare d’entrer en résonance avec une île qui se livre peu, qui exige du respect et offre, en retour, une beauté brute et inoubliable.

La réserve naturelle de Scandola ne se dévoile qu’à ceux qui acceptent de ralentir. Elle impose une présence attentive, une écoute fine, une admiration sans toucher. Les roches volcaniques, les criques translucides, les nids de balbuzards, les tours génoises, tout ici respire l’équilibre ancien entre l’homme et son environnement. Le semi-rigide, discret et agile, devient l’outil idéal pour cette exploration respectueuse.

Et lorsque l’on revient au port de Porto Corse, le regard encore perdu sur les reliefs découpés, la peau salée et le cœur dilaté, il ne reste qu’une certitude, ce voyage n’est pas une simple excursion. C’est une odyssée intérieure. Un passage. Une promesse de revenir, un jour, écouter encore la mer parler aux rochers.


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